Dans ce nouvel épisode de notre série Originals, nous avons rencontré Zombie Tears, l’illustrateur et tatoueur qui dessine des sentiments sur la peau
Comment décrirais-tu ton style ?
ZT:J’évolue dans un style très minimaliste que ce soit dans le tatouage ou sur tous les supports que je travaille. Je ne me retrouve essentiellement que dans la ligne claire, très épurée, pas du tout dans les choses trop chargées. C’est vraiment ce qui me définit le plus et qui guide mon approche graphique. Autant je peux interpréter des choses très figuratives, une rose ou comme en ce moment des choses très ésotériques, mais je vais toujours être guidé par cette ligne nette et précise pour un rendu très minimaliste.
J’aime bien l’idée qu’on puisse se dire que ce que je fais ça n’a pas été tatoué mais dessiné sur la peau. On me fait parfois ce retour, que cette finesse du trait transmet une émotion différente, que quelque part il y a quelque chose de délicat dans ces tatouages.
Quelles sont tes inspirations ?
ZT:Je cite souvent Matisse comme une grande source d’inspiration pour moi. Sa période bleue surtout, vers la fin de sa vie avant qu’il parte dans le découpage il était vraiment dans l’avant garde. Il a réellement apporté beaucoup à l’art contemporain. D’ailleurs il se serait très bien épanoui dans la période juste après lui.
On pourrait parler de Cocteau aussi.
Ça date de quand le dessin pour toi ?
ZT:C’est venu très tôt. J’étais petit et très dans la culture manga et comics, je dessinais du Dragon Ball, du Spiderman… C’est marrant, il n’y a pas longtemps j’ai retrouvé un carnet de cette époque, c’était ça et puis j’essayais de dessiner mon entourage. Je me souviens que je pensais que c’était affreux à l’époque, avec du recul aujourd’hui j’ai trouvé ça très illustratif, naïf et super intéressant.
Après le gap il s’est fait quand j’ai découvert la culture skateboard, j’ai pris une claque avec Jim Phillips, il y a eu Tomi Ungerer aussi qui faisait des illustrations pour enfants qui m’a beaucoup inspiré. J’ai été très marqué par ces marques de skate comme Town and Country qui avaient une identité très figurative avec des personnages. C’est d’ailleurs ce qu’on a essayé de reproduire avec l’identité de Baca avec ce personnage un peu kawaii mais toujours réinterprété de manière minimaliste avec notre griffe bien entendu.
En fait si je prends du recul au début je dessinais beaucoup, je faisais des pièces assez chargées, ça me prenait beaucoup de temps, plus j’avance plus j’épure, j’affine, c’est plus concis mais j’en suis plus satisfait en fait. Aujourd’hui un bon dessin il n’a peut-être que quatre traits et peu de détails mais il va à l’essentiel et il transmet une émotion immédiatement.
Comment es-tu venu au tatouage ?
ZT:Mon entourage était déjà dedans, j’y suis venu plus tard, peut être 3 ou 4 ans après, je n’étais pas encore certain d’avoir défini mon style et j’avais beaucoup de pression sur le fait de tatouer quelqu’un. Et plusieurs fois des gens d’un peu partout dans le monde ont commencé à m’envoyer des photos de mes dessins qu’ils s’étaient fait tatouer, genre regarde c’est ton illustration. C’était cool et en même temps très frustrant de me dire que d’autres personnes tatouaient mes illustrations alors que j’hésitais à y aller.
C’est là que j’ai acheté mes premières machines, je me suis entraîné sur moi d’abord et puis les premiers clients, des rencontres avec d’autres tatoueurs et voilà.
Ça représente quoi pour toi d’écrire dans la peau des gens ?
ZT:La peau c’est un support réellement original.
Pendant des années j’ai dessiné sur du papier et passer sur la peau c’était vraiment pas évident. A l’époque j’en avais beaucoup parlé avec ma communauté qui m’a beaucoup poussé dans le projet. J’ai toujours discuté avec eux des choix, de la suite, et je continue à le faire, ils sont nombreux à m’avoir vu évoluer. C’est vraiment des gens que je connais, certains sont devenus des amis. Leur avis est super important, en tant qu’artiste j’ai besoin d’avoir leurs retours, leurs impressions, j’ai besoin de cet échange, je ne fais pas les choses que pour moi. Comme pour le tatouage en fait, il se passe quelque chose entre le tatoueur et la personne tatouée. Quand j’étais plus jeune j’étais moins là-dedans, aujourd’hui non, l’art c’est bien quand c’est partagé quand il y a cette interaction entre l’artiste et le public. C’est quand même un sentiment assez unique ce moment où tu as créé une pièce authentique, qu’une personne se reconnaît dedans, la porte sur son corps et te remercie pour ça.
Tu as travaillé en agence de pub, qu’est-ce que ça t’a apporté ?
ZT:Ça m’a beaucoup aidé dans la relation que j’ai avec les gens que je tatoue et avec qui je travaille. J’essaie d’être le plus à l’écoute possible, dans le dialogue, pour créer quelque chose d’authentique et d’unique qui correspondra parfaitement à la personne. Ça m’a apporté beaucoup de maturité sur mon style graphique et sur le recul que je peux avoir sur l’art, sur ce que je fais, comment s’affirmer…
Aujourd’hui je suis capable de refuser des projets si je sens que je ne vais pas m’y épanouir. Je préfère renvoyer vers quelqu’un d’autre dans ces cas-là et les gens le comprennent très bien. C’est important de pouvoir s’exprimer dans chaque projet et de ne pas être là pour exécuter machinalement. Moi, mon approche, elle est sur-mesure, j’y mets beaucoup d’émotions et j’espère que j’en transmets aussi beaucoup. C’est ce que les gens viennent chercher chez moi.
Comment les gens t’approchent ?
ZT:Souvent ils ont repéré un dessin ou une forme qui leur plaît sur mon insta et on en discute, parfois on adapte à leur personnalité, des fois ils viennent avec des inspirations. Au début je faisais beaucoup de mots, de phrases avec ma typo, ça a intrigué. Il y a beaucoup de personnes qui ont adhéré à ces messages, beaucoup moins figuratifs pour le coup. Ça peut être des blagues, des phrases un peu perso, les gens se reconnaissent là-dedans, ça résonne en eux, et ça les aide à marquer une époque, un moment aussi de leur vie. Parfois un tatouage c’est un nouveau départ, on y met beaucoup de choses. J’aime bien cette idée que les gens peuvent se réapproprier une pensée et qu’on les a aidés à formuler quelque chose qu’ils avaient en eux.
Est-ce que notre rapport au corps a changé cette année ?
ZT:J’ai remarqué que les gens avaient encore plus envie de se faire tatouer ces temps-ci. Peut-être que c’est parce qu’on ne maitrise plus beaucoup ce qu’il se passe autour de nous, le tatouage ça permet de reprendre une forme de contrôle sur notre corps, c’est l’une des rares formes de liberté qu’on a gardé.
Parlons de Baca, la marque que vous avez co-créé avec Pauline Laponey
ZT:Baca c’est né y a 7 ans maintenant, la marque est déjà bien installée et maintenant elle a son propre lieu. On avait envie d’avoir ce qu’on appelle plutôt une art place, ça nous permet de rassembler tous les aspects de la marque et de la décliner sous de nouvelles formes. On a la galerie, le shop, le salon de tatouage, le studio photo, on fait beaucoup de créa graphique, on accueille des résidents, des artistes… La marque, elle vit dans plein de disciplines différentes aujourd’hui c’est ça qui est hyper intéressant chez Baca.
Vous multipliez les collaborations avec d’autres artistes...
ZT:Ce qu’on aime avec Zombie Tears et Baca c’est créer des passerelles entre les univers artistiques. On a fait plein de collabs avec des musiciens par exemple. J’ai fait des visuels pour Vladimir Cauchemar, un filtre insta pour Rone, j’ai pas mal tatoué Kungs… La marque vit et continuera de s’exprimer au travers des rencontres qu’on peut faire et des échanges qu’on peut avoir avec les artistes.
Tu as fait une expo avec Yugnat999 “IRL Meme” pourquoi vouloir amener cette culture du numérique dans le monde “réel” ?
ZT:Un jour Tanguy avait lancé un concours, envoyez moi votre image et j’en fait un meme, il a pris une de mes illustrations, en échange je l’ai tatoué et c’est comme ça qu’on s’est rencontré.
En discutant on s’est dit que ce serait intéressant de faire rentrer le meme dans l’art et de créer une fenêtre pour que ce format sorte d’internet et s’incarne dans le monde physique. La question c’était : Comment transcrire le numérique en physique ?
De là on a sélectionné les memes qui nous faisaient rire et on les a retranscrits en illustrations, ça a donné une dizaine de toiles et des vêtements qu’on a pu présenter au public lors de l’expo. On a eu un super accueil, peut être qu’un jour il y aura une 2ème saison de ce projet.
Tu as fait pas mal de filtres en A/R qu’est ce qui te plait là dedans ?
ZT:J’en fais depuis longtemps, au début c’était pas mal d’illustrations après le premier qui a bien marché c’était celui pour la certification d’insta de Yugnat999. J’aime bien ce format c’est éphémère c’est numérique. On a beaucoup de demandes de collaborations là-dessus, on sent que les marques ont envie de s’en emparer. J’aimerai bien l’emmener plus loin, amener de l’interactivité, peut-être le travailler dans des clips…
Ce qui m’intéresse avec ça c’est de transmettre une émotion et de créer une interaction entre les gens. Le plus important c’est que ce soit une expérience plus que d’essayer d’embellir ou transformer des visages. C’est un outil qui doit rester créatif et ludique.
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